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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 09:42

 

Le 21 février 1944, vingt-deux résistants du groupe Manouchian étaient fusillés par les nazis. Hommage leur a été rendu devant le monument de la place de la Résistance  jeudi 21 février 2014. Nous portons à votre connaissance le discours du secrétaire de section du PCF Bagnolet.

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70 ans de l’affiche rouge

 

Il y a soixante-dix ans, le 21 février 1944, vingt-deux jeunes hommes étaient fusillés par les nazis au Mont-Valérien. C’est la police française collaborationniste qui les livra aux Nazis après les avoir torturé.  La seule femme du groupe, Olga Bancic, n’eut pas eu le droit de mourir avec ses camarades de combat: emmenée en Allemagne, elle sera décapitée à la prison de Stuttgart.

Ces martyres de la résistance faisait parti du réseau des FTP-MOI (Francs Tireurs et Partisans – Main d’Oeuvre Immigrée) intégré au mouvement de résistance des FTP, créé par le parti communiste en 1941.

 

 

Ainsi prenait fin l’épopée héroïque du groupe FTP-MOI de la région parisienne, dirigé par le militant communiste et poète arménien MIssak Manouchian. Six mois plus tard, Paris serait libéré, mais pour l’heure, les nazis et leurs supplétifs parisiens de la police se vengeaient, tant qu’ils le pouvaient encore. Manouchian et ses camarades, armés avant tout de leur courage, leur avaient mené la vie dure. En 18 mois, de juin 1942 à novembre 1943, ce groupe réalisent 229 actions contre les occupants, une tous les deux jours. L’action la plus spectaculaire a lieu le 28 septembre 1943, quand quatre membres du groupe Manouchian exécutent le général des SS Julius Ritter, responsable de l’expédition de 500 000 Français en Allemagne pour le Service du Travail Obligatoire.

 

Ces opérations avaient un impact politique évident, en donnant l’image d’une résistance toujours debout dont l’activité ne cessait d’inquiéter les nazis et les forces de la collaboration. Une chasse à l’homme géante est organisée. Ces 65 résistants qui pour la plupart n’ont pas la nationalité française, sont traqués jour et nuit par 200 inspecteurs des Brigades Spéciales du service information de la Préfecture de Police et bien sûr par la gestapo. Tentant vainement de discréditer le groupe et la Résistance toute entière, les occupants nazis et leurs alliés du régime de Vichy organisent après l’arrestation de Manouchian et de ses camarades en novembre 1943 une macabre propagande, en imprimant et faisant placarder 15 000 affiches rouges sur laquelle apparaissaient les photos et les noms à consonance étrangère de dix condamnés: Et ce titre explicite : "Des LIBERATEURS? La LIBERATION! par l’armée du crime".  

Mais l’initiative aboutit à un résultat opposé au but recherché. Elle devait stigmatiser des «terroristes», les Parisiens découvrirent des héros, y puisèrent une leçon de courage, une invitation à ne plus courber la tête. L’affiche est entrée dans l’histoire comme un hymne aux Résistants.

 

L’hommage aux combattants du groupe Manouchian est une occasion de souligner le rôle des immigrés dans la Résistance française la MOI qui offrit un cadre de solidarité à ces jeunes gens et leurs familles  qui avaient  quitté leur pays, poussés par la misère sociale, les persécutions antisémites et anticommunistes. Ils venaient de Pologne, de Roumanie, de Hongrie, d’Arménie, mais aussi d’Espagne ou d’Italie. Ils participèrent aux luttes ouvrières contre la réaction,  à la victoire du Front populaire. Certains s’engagèrent dans les Brigades internationales au-delà des Pyrénées, avant de combattre dans la Résistance française. L’histoire de l’Affiche rouge parle aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui.

 

Soixante-dix ans après, la xénophobie, toutes les formes de racisme et d’anti-progressisme, sont loin d’être enterrés.  Le colonialisme et l’impérialisme (l’ancien et le nouveau) avec leur corollaire de mort et de destruction sont encore aujourd’hui « justifiés » dans de nombreuses parties du monde par la lutte contre le terrorisme; la protection des intérêts géostratégiques des grandes puissances est présentée comme l’exportation de la démocratie; les détenteurs des armements les plus meurtriers et les plus sophistiqués tentent d’en garder le monopole et accusent de terrorisme leurs victimes qui cherchent à se défendre avec les armes du désespoir; bien souvent, dans nos pays  opulent, les étrangers, les migrants, sont l’objets de multiples discriminations, sans autre droit que celui d’être exploités.

 

L’histoire du groupe Manouchian doit rester dans notre mémoire comme la preuve irréfutable que le courage n’a pas de pays. La lutte contre le fascisme renaissant a besoin de nous tous, quel que soit la couleur de notre peau ou l’origine de nos parents. La liberté et la démocratie ont toujours eu besoin de la fraternité, de la solidarité et du don de soi. 

Nous devons aussi avoir la plus grande vigilance face aux dévoiements de certaines nobles et justes causes, qu’engendre la perte d’un certain nombre de repère,  des phénomènes  de désaffiliations sociales et politiques, ou la pire des instrumentalisations. La lutte contre le  racisme, l’islamophobie, l’antisémitisme sont parfois utilisés comme nouvelle arme de stigmatisation des uns, ou des leviers de divisions des classes populaires, alors que face à ces fléaux il nous faut sans cesse rappeler que l’union des exploités reste d’une brulante actualité. Que le rassemblement des forces de progrès est indispensable au renversement du rapport de force  pour abattre l’infâme et inventer un nouvel avenir.  

Sur l'affiche rouge censée frapper d'infamie ces combattants de la liberté Missak, semble regarder au loin, par delà l'horizon de la guerre, et des démarcations entre les peuples. Les suppliciés de l’affiche rouge sont l’éclatant symbole de l’humanité sans frontières qu’ils appelaient de leurs vœux et pour laquelle ils ont perdu la vie.

 

Le 21 février 1944, la Libération est proche. Missak Manouchian  le pressent. « Je m'étais engagé dans l'armée de la libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté, de la paix de demain! (…) Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité, après la guerre qui ne  durera plus longtemps. Bonheur à tous », écrit-il dans sa dernière lettre à Mélinée, sa bien aimée.

 

S’inspirant de cette lettre le grand poète Louis Aragon écrivit en 1955, un poème inoubliable qui fut mis en musique et interprété par Léo Ferré.

Nous vous proposons de conclure cet hommage par ce beau texte.

 

 

 Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes

Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant


Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

Louis Aragon, Le Roman Inachevé

 

Pour la section PCF Bagnolet

Kamel BRAHMI

 

 

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